L’astronomie est la plus anciennes des sciences. Poussés par la beauté du ciel et en particulier de la Voie Lactée, très vite l’humanité s’est posée des questions sur sa place dans l’Univers et sa pérennité sur Terre. Depuis les premiers témoignages des grecques et certainement bien avant, en passant par l’exceptionnelle science arabe, par la renaissance européenne, par les lumières et jusqu’aux grands télescopes du XXIè siècle, on a eu de cesse de répondre à ces questions. Matière noire, énergie noire, exoplanètes, vie ailleurs, évolution de l’Univers, … mille questions encore irrésolues … Et chaque réponse amenant son lot de nouvelles questions, on a pas fini d’investiguer.
L’ESO: European Southern Observatory
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Organisation européenne demi centenaire basée à Garching en Allemagne et dans laquelle la Suisse est très fortement investie, l'ESO poursuit également cette quête. Ses observatoires de La Silla, du Cerro Paranal et bientôt du Cerro Armazones, sans compter l’observatoire du plateau de Chajnantor ALMA dans lequel elle est partie prenante, font de l’ESO la principale organisation astronomique intergouvernementale.
En les visitant et en travaillant à l’observatoire de La Silla, j’ai eu la chance de pouvoir côtoyer des astronomes et techniciens à la pointe de leur sujet. Parfois en allemand, mais aussi en anglais et espagnol, et plus rarement français, j’ai alors pu découvrir la virulence des mathématiques régissant tous les instruments, l’incroyable niveau de compétences de ces artistes du ciel et l’infinie passion toujours de tous. Voilà ici un petit bout de ce que l’on m’y a patiemment expliqué. Je m’efforcerai à mon tour de le transmettre dans le plus simple des langages et évitant les transformées de Fourrier et autres franges dont on parle allègrement sur les sommets de l’Atacama.
L’observatoire du Cerro Paranal et les VLT
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Après avoir visité une première fois le Paranal sur invitation de mon pote Julien, merci !!!, j'ai eu la chance de retourner voir ces télescopes à la pointe de la recherche. Perché à 2600m d’altitude dans le désert de l’Atacama, il est en effet l’actuel fer de lance de l’ESO et de la recherche mondiale. On y trouve les 4 VLT, Vista, le VST, les projets Gravity, Sphere, NGTS ou ESPRESSO entre autres.
Avec le télescope Subaru posté sur le Mont Mauna Kea de Hawaïi et les Gemini Nord et Sud postés respectivement à Hawaïi et au Chili, ils sont les plus grands télescopes monolithiques du monde avec un miroir de 8,2 mètres de diamètre. Il faudra d’ailleurs que j’aille une fois à Hawaïi pour voir ces monstres là … Travaillant conjointement par interférométrie les 4 VLT peuvent distinguer une tête d’épingle sur la station spatiale internationale orbitant à 600 km de la Terre. Equipé d’une optique adaptative de dernière génération, ils ont permis la première image d’une planète extrasolaire. Ils sont assistés par les quatre télescopes auxiliaires de 1,8m de diamètre chacun. Finalement, on peut encore noter que les VLT sont équipés d’un laser simulant une étoile artificielle et permettant aux VLT d’avoir la meilleure optique adaptative au monde. Optique qui sera encore améliorée lorsque quatre lasers supplémentaires équiperont ce télescope.
Le Vista et le VST
Le Visible and Infrared Telescope for Astronomy: Vista et le VLT Survey Telescope: VST ont pour but de photographier l’ensemble du ciel profond avec une grande rapidité (en trois mois ils réalisent une cartographie complète de tout le ciel). Ils créent ainsi une énorme base de données prometteuses pour la recherche de ces prochaines décennies.
Vista a un miroir de 4,1m de diamètre, une caméra travaillant dans le visible et l'infrarouge de 3 tonnes permettant une résolution de 67 millions de pixels. Le VST quant à lui a un miroir de 2,6m de diamètre et une caméra CCD de 268 millions de pixels couvrant un champ de 4 fois la pleine Lune !
Les mauvaises langues (ou les visionnaires ... ?) disent de Gravity que dans 100 ans on se rappellera de l’ESO parce qu’il y a aura eu Gravity. Son but est de mêler la lumière des quatre VLT par interférométrie afin d’obtenir une résolution de 1µarcsec … soit distinguer une pièce de 1 cent qu’un touriste intrépide aurait laissé tombé sur la Lune. Avec cette précision, on espère pouvoir observer le mouvement des étoiles extrêmement proche du centre de notre galaxie qui abrite un trou noir. Cet objet hyper massif, le trou noir, courbe violemment l’espace temps selon la théorie de la relativité générale de Einstein. Ainsi donc, les étoiles orbitant dans ses parages doivent répondre à cette théorie et avoir des déplacements en accord avec celle-ci. Gravity a donc pour but, tout simplement, de vérifier la théorie de la relativité générale de Einstein en observant le mouvement des étoiles dans un champ de gravitation très fort. La science-fiction n’étant jamais très loin de la science, Gravity c’est un peu la science après Cooper & Murphy ;-)
Remarque: la dernière fois qu’on est allé touillé proche d’un objet hyper massif ce fut une révolution: c’était le mouvement de Mercure autour du Soleil … et cela a justement été le point de départ de la relativité générale … on est loin d’en finir avec nos surprises et il faut se rappeler que notre science n’est faite que de modèles, …ceux-ci ne demandent qu’à être mis en défaut pour que l’on puisse encore plus s’approcher de la vérité, … mais qu’est-ce que la Vérité, … on s’égare ...
Sphere
Sphere est un instrument permettant d’observer des planètes par imagerie directe en effectuant une coronographie artificielle de l’étoile. En occultant l’étoile on voit alors la planète. Il est doté d’une optique adaptative de pointe travaillant à 1200Hz.
NGTS
New Generation Transit Survey est un instrument permettant de repérer les éventuels transits de planètes devant une étoile. Chaque nuit il suit un champ d’environ 10’000 étoiles et, nuit après nuit, il mesure pour chacune leur luminosité pour ainsi déterminer un éventuel changement de luminosité qui pourrait s’expliquer par la présence d’une planète transitant devant l’astre.
ESPRESSO
Espresso est le successeur du spectromètre Harps. Egalement conçu par les astronomes genevois, il sera monté sur le VLT et pourra même collecter l’ensemble de la lumière des quatre VLT. Il permettra de déterminer la vitesse radiale d’une étoile avec une précision de 10cm/s, ce qui permettra de mettre en évidence des planètes extrasolaires de la taille de la Terre. Il est attendu pour 2017.
Premier observatoire européen, il est perché à 2400m d’altitude dans le désert de l’Atacama, … ici le désert s’apparente en réalité plus à une montagne pelée, il y a un peu de végétation et un peu de vie: papillons, oiseaux, sauterelles, chevaux et ânes, condors, pumas, … et moi, et moi, et moi … On y trouve la vieille garde des télescopes européens et les télescopes de plus modeste dimension: le 3.6, le NTT, les télescopes nationaux belge, italien, danois, allemand, … et le suisse dont je vous ai déjà longuement parlé pour y avoir travaillé !
le 3.6
Portant le nom de la taille de son miroir: le 3m60 il est monté sur une impressionnante monture équatoriale. Sa coupole est climatisée pour éviter les turbulences. Monté sur le 3.6 on trouve Harps.
HARPS: High Accuracy Radial Velocity Searcher
Harps est un spectrographe conçu à Genève qui a pour but de mesurer les vitesses radiales des étoiles afin (toujours !) de mettre en évidence des planètes extrasolaires. Il est maintenu sous vide et sa température est constante à un millième de degré. Sa précision est encore inégalée: 0,5m/s alors que Elodie qui avait permis la découverte de la première planète extrasolaire en 1995 avait une précision de 15m/s. Il compte des centaines de planètes à son tableau de chasse. Il existe un instrument couvrant l’hémisphère nord, il s’agit de Harps-N installé sur le télescope italien Galiléo à La Palma. Son successeur est ESPRESSO (voir ci-dessus).
Le NTT
Le New Technology Telescope (ou No Toilet Telescope … en plus c’est vrai !) était le premier télescope en 1989 à utiliser une optique active. De fait, durant les observations et selon l’inclinaison du miroir de 3,6 mètres de diamètre, la courbure du miroir est modifiée.
Atacama Large Millimétrique Array: ALMA
Le Atacama Large Millimetrique Array est une collaboration mondiale entre l’ESO européenne, le NRAO américain et le NAOJ japonais. Il est constitué de 66 antennes de 12 mètres de diamètre et 100 tonnes chacune situées à 5000m sur le plateau de Chajnantor à 5000 mètres d’altitude dans l'altiplano andin. En effet, comme son nom l’indique, ALMA observe dans le rayonnement millimétrique, d’où sa situation géographique lui permettant de limiter l’absorption atmosphérique de ce rayonnement. En observant ce rayonnement, ALMA permet d’étudier les objets froids tels les nuages moléculaires, la formation de galaxies et la formation stellaire. Pour monter là-haut, mieux vaut que le corps soit déjà habitué à l’altitude. Le manque d’oxygène amenant son lot de déconvenues et d’effets plus ou moins indésirables sur chacun. Il y en a de ceux qui ont un mal de tête, de ceux qui sont pris de vomissement, de ceux qui en perdent leur iPad, de ceux qui rient sans raison ou qui s’exclament devant toutes les beautés: « Soooo geil !! » ;-)
L’observatoire du Cerro Armazones et le futur E-ELT: European Exxxxxxtremely Large Telescope
A 20km de Paranal se dresse la montagne Armazones. Aujourd’hui, il n’y a qu'une route de terre de 10km en ligne droite vers le sommet dynamité pour pouvoir accueillir sur une surface plane le futur télescope. Dans quelques années, une route goudronnée qui aura vu passer des camions et des camions nous mènera au plus grand télescope jamais construit. Ce sera là le European Extremely Large Telescope de 40 mètres de diamètre composé de plus de 1000 segments hexagonaux et reposant sur une optique adaptative. Il permettra de sonder encore plus avant les grandes questions de l’astrophysique: la matière noire et l’énergie noire mais aussi les exoplanètes. E-ELT pourra mettre en évidence l’existence de planètes de la taille de la Terre, et pourra aller jusqu’à ausculter les éventuelles atmosphères des planètes plus grandes. Première lumière attendue pour 2025 … l’occasion d’un autre voyage encore … Dans cette nouvelle génération de super grands télescopes on a encore le GMT: Giant Magellanic Telescope qui sera installé à Las Campanas en face de La Silla et le TMT: le Thirty Meter Telescope qui sera installé à Hawaïi.
Après être allé à Paranal et dans la vallée de l’Elqui, après avoir travaillé en tant que technicien à l’Observatoire suisse de La Silla, après avoir redécouvert les coulisses de la recherche à La Silla, j’ai pu parfaire ma connaissance des hauts lieux de l’astronomie avec un guide d’exception. Oui j’aurais aimé devenir astronaute, oui j’en ai rêvé, oui j’ai postulé en 2009 à l’ESA, oui j’admire Monsieur Claude Nicollier … avec deux L sinon on peut pas voler ;-)
Durant la préparation à la journée portes ouvertes à l’Arnold Reymond en 2008 qui portaient sur les cinq sens, parlant de la nourriture des astronautes avec mes élèves, nous avions décidé d’écrire à Monsieur Nicollier, notre astronaute national, pour en savoir plus sur ses repas dans l’espace. Première rencontre. Dans la foulée, j'avais osé lui demander de venir faire une conférence pour nos jeunes. Au delà des incroyables compétences du bonhomme, j’ai alors découvert une douceur et une patience tranchant violemment avec des propos scientifiques parfois âpres. Par dessus tout, j’ai mesuré l’incroyable humilité de Monsieur Claude qui est arrivé dans une smart un peu froissée, tout navré d’être quelques minutes en retard lui qui venait nous accorder son temps, sa patience et son bonheur de l’espace de grand coeur et sans rien compter, la classe.
Il va donc sans dire que c’est avec une énorme joie que je l’ai suivi dans les hauts plateaux andins, que je l’ai écouté raconté l’espace et l’astronomie tant durant les minis conférences qu’il a données tout au long de ces deux semaines que lors des déplacements. Tant lors des repas végétariens (on est les deux végétariens, … enfin moi: presque !) que lors des soirées ou matinées étoilées passées dans le froid à l’écouter raconter la Croix du Sud ou la rotation de la Terre. Tant encore lors des visites des observatoires qu’il nous a fait découvrir avec le souci que chacun puisse tout saisir: « Il faut éviter que les gens aillent là-haut seulement pour voir des antennes, mais qu’ils comprennent ce qu’il y a derrière », que lors de nos discussions autour de la lumière zodiacale, du seeing déterminé à l’oeil nu, de nos expériences respectives à La Silla, de mon cours astro, de nos aspirations respectives, de nos idées, de la Vie.
Je suis un privilégié parmi les privilégiés: après avoir découvert l’Observatoire de La Silla en tant que chercheur (!), j’ai eu la grande chance de t’avoir, Claude, pour guide à ALMA et Paranal. Je ne t’admire pas parce que tu as su changer quelques boulons dans l’espace avec de gros gants, mais pour la façon dont tu partages cette expérience: avec patience, humilité, et avec des étoiles plein les yeux ;-). Merci mon ami des hauts déserts et des nuits claires ;-) Merci Claude de m’avoir mis des étoiles plein les yeux !!
Impossible de fermer l'œil de la nuit. Chaque fois que je crois enfin sentir le sommeil me gagner, je me redresse d'un bond sur ma couchette avec cette terrible sensation d'étouffement qui ne me quitte pas. Erwan, un collègue australien habitué des hautes altitudes, a renoncé à dormir depuis son arrivée. Il pratique le yoga et il s'en sort à peu près. Même si je me suis amusé, à l'époque où je fréquentais vaguement une danseuse, à me rendre deux fois par semaine dans une salle spécialisée de Sloane Avenue, ma maîtrise de cette discipline est nettement insuffisante pour permettre à mon organisme de compenser ainsi les effets d'une telle hauteur. À cinq mille mètres au-dessus du niveau de la mer, la pression en oxygène chute de quarante pour cent. Au bout de quelques jours, le mal des montagnes se fait sentir ; le sang s'épaissit, la tête est lourde, la raison perd de sa logique, l'écriture devient maladroite, et le moindre effort physique brûle votre énergie de façon disproportionnée. Les plus anciens à travailler ici nous recommandent d'absorber le maximum de glucose possible. Pour les amoureux de douceurs, cet endroit pourrait être un véritable paradis : aucun risque de prendre du poids, à peine ingéré, le sucre est métabolisé par l'organisme. Seul hic, à cinq mille mètres au-dessus du niveau de la mer, on perd tout appétit. Je me nourris presque exclusivement de tablettes de chocolat.
Le plateau d'Atacama est un endroit hors du temps. Une vaste plaine aride, cernée de montagnes ; s'il n'était pas si difficile d'y respirer, on se croirait au milieu de n'importe quel désert de pierres. Mais ici, nous sommes sur l'un des toits du monde ; sauf qu'il n'existe presque plus rien du monde autour de nous. Aucune végétation, aucune vie animale, juste des cailloux et de la poussière, vieille de vingt millions d'années. L'air que l'on respire péniblement est le plus sec de la planète, cinquante fois plus encore que dans la vallée de la Mort. Les cimes qui nous entourent ont beau culminer à plus de six mille mètres, elles sont dépourvues de neige. C'est justement pour cette raison que nous travaillons là. Parce qu'il n'y a pas la moindre humidité, ce site était le meilleur endroit pour accueillir le plus vaste projet d'astronomie que la terre ait jamais vu naître. Un pari presque impossible : implanter soixante-quatre antennes télescopiques, chacune de la taille d'un immeuble de dix étages, toutes reliées entre elles. Une fois leur construction achevée, elles seront connectées à un ordinateur capable d'effectuer seize milliards d'opérations à la seconde. Pourquoi ? Afin de sortir de l'obscurité, de photographier les plus lointaines galaxies, de découvrir ces espaces qui nous sont aujourd'hui encore invisibles, et de peut-être capter des images des premiers instants de l'Univers.
Il y a trois ans, j'ai rejoint l'Organisation européenne des recherches astronomiques et suis parti vivre au Chili.
D'ordinaire, mon lieu de travail est à cent kilomètres d'ici, à l'observatoire de La Silla. Cette région se situe sur l'une des plus grandes failles sismiques du globe, là où deux continents se rejoignent. Deux masses à la puissance colossale qui, en se poussant l'une l'autre, donnèrent jadis naissance à la cordillère des Andes. Au cours d'une nuit récente, la terre a tremblé. Il n'y a pas eu de blessé mais Naco et Sinfoni – chacun de nos télescopes porte un nom – doivent subir des travaux de maintenance.
Tiré de « Le Premier Jour » de Marc Lévy, merci Katia ;-)
Je vais quand même réussir à l’attraper mon soleil ...