Le travail de l'astronome !!

Arrivée au télescope

On arrive vers 17 heures. Sans perdre une minute, les niveaux des humidificateurs sont vérifiés, les ordinateurs, le télescope et les instruments sont branchés. Puis on prépare la liste des cibles: les « target » de la nuit et on contrôle avec le technicien que toute la station soit ok et opérationnelle. On remplit les réservoirs de LN2 (azote liquide) qui tiendra la caméra et le spectrographe à bonne température (-200°C). On s’installe et on vérifie le travail de la nuit, on entre les étoiles à observer à partir de la base de la donnée dans la séquence de la nuit. On place ces étoiles selon leur passage le plus haut dans le ciel afin de limiter l’épaisseur de l’atmosphère à traverser, selon la Lune, selon l’importance de la mesure, … Ensuite, on ouvre la coupole vers 19 heures afin d’assurer une température homogène entre l’intérieur et l’extérieur du télescope et ainsi éviter les turbulences. Après cela et seulement si on a le temps on mange alors un morceau de chocolat suisse sur fond d’Atacama, le bon travail passe aussi par des moments de convivialité ;-)

Calibrations

On effectue des calibrations avec des lampes au thorium et au tungstène, on prend des flats, dark et bias qui permettront de corriger nos images des biais de l’instrumentation et de l’optique. Les appareils photos numériques (APN) ou caméra CCD génèrent un signal dark qui dépend du temps d'exposition, de la température et de la sensibilité ISO. Pour enlever ce signal parasite on utilise un dark qui contient uniquement ce signal. La meilleure méthode pour créer un dark est de prendre une photo dans le noir avec l'objectif recouvert dans les mêmes conditions que la photo: mêmes temps d'exposition, température et sensibilité ISO. De même, chaque APN ou caméra CCD génère un signal créé par l'électronique pendant la lecture du contenu du capteur. Les bias sont utilisés pour enlever ce signal de lecture. Pour faire un bias, il suffit de prendre une photo dans le noir avec le temps de pose le plus court possible avec la même sensibilité ISO que l'image. Finalement, le Flat permet de corriger le vignettage et les défauts d'illumination dus aux poussières ou aux taches dans l’APN ou caméra CCD.Pour créer un flat il faut photographier un fond homogène (ciel sans nuages ou t-shirt blanc tendu devant l’objectif et illuminé.

A table !

Vers 20h c’est l’heure du repas, on descend donc au réfectoire se régaler d’une soupe, de quelques tartines ou d’une paëlla selon l’appétit de chacun. Pour remonter au télescope, il fait maintenant nuit, les phares sont interdits, heureusement il y a des lampes solaires le long des routes, on est sur la route des étoiles  … si les habitués roulent comme de plein jour, je dois bien avouer qu’au meilleur de ma forme je serai arrivé plus vite en haut en vélo qu’en conduisant. Arrivés au télescope, on est parés pour passer la nuit sur une chaise à recueillir des données en contrôlant sans cesse les instruments grâce à une dizaine de PCs !

La recherche

Même si la recherche porte aussi sur des effets de lentilles gravitationnelles, le gros du travail tourne autour de la recherche de planètes extra-solaires: de nouveaux mondes. Depuis 1995 et la découverte de la première planète extrasolaire 51PegB par les genevois Michel Mayor et Didier Queloz, l’Observatoire fait partie des leaders dans cette recherche. Pour ce faire, nous utilisons deux méthodes. La méthode des vitesses radiales: on détermine par spectrométrie la vitesse radiale d’une étoile, si celle-ci présente une courbe sinusoïdale on peut alors en conclure qu'une planète « danse » autour de cette étoile en lui faisant effectuer elle aussi un mouvement de rotation autour du centre de gravité commun du système planète-étoile. Dansez avec un enfant, il tournera fort autour de vous alors que vous n’aurez qu’un léger mouvement mais un mouvement tout de même, l’enfant est votre monde, vous êtes sa star ;-) La deuxième méthode est la méthode des transits. Pour ce faire nous mesurons la luminosité de l’étoile durant le transit d’une éventuelle planète. On observe donc une diminution de la luminosité de cette étoile. Pour cela nous prendrons des dizaines de clichés successifs de l’étoile à l’aide de la caméra du télescope: EulerCAM, la caméra de notre télescope nommé Euler.

Mon travail consiste à vérifier que le remplacement des fibres optiques circulaires par des fibres octogonales a bel et bien permis l’amélioration des mesures escomptées. En effet, les fibres optiques perdent une partie des modes d’oscillation de la lumière entre l’entrée: la source de lumière en l’occurrence notre étoile, et la sortie: la caméra ou le spectrographe. Le but est de perdre le moins possible de cette lumière. Sachant que les fibres circulaires sont moins performantes que les fibres octogonales qui rendent cette perte plus homogène grâce à la brisure de la symétrie circulaire, nous nous attendons à une amélioration des mesures. Concrètement, je dois observer une quinzaine d'étoiles cibles qui ont déjà été observées avec la fibre circulaire et rendre compte de cette attendue amélioration.

La nuit

Chaque étoile d’un programme est observée toutes les trois à quinze nuits et on observe entre six et cinquante étoiles par nuit selon la durée de l’observation (un transit peut durer jusqu’à 8 heures !). Tout en gérant ses propres observations, chaque observateur observe des étoiles pour les autres chercheurs du groupe. Ainsi donc, durant une même nuit, on pourra rechercher des planètes binaires, effectuer un transit, … C’est à l’observateur, selon les rares nuages, selon la Lune, selon la position des étoiles, de choisir ces « targets » pour être le plus efficace possible. Les étoiles du catalogue 703 sont très lumineuses, donc la Lune pose peu de problème, les planètes binaires doivent être situées à plus de 70° de la Lune alors que les autres planètes demandent 90°. Selon la couverture nuageuse ou le seeing (indice de visibilité lié aux turbulences atmosphériques) l’observateur adapte ses observations. Parfois le ciel ne permet pas d’observer du tout, c’est alors l’occasion d’un léger assoupissement toujours bienvenu ou l’occasion de discuter avec David des règles de football australien ;-) Durant la nuit, parfois surviennent un ou deux problèmes. Il se peut qu’un instrument ne fonctionne pas comme souhaité ou qu’un ordi deviennent récalcitrant. Si parfois un TO: « telescope operator » passe la nuit avec l’observateur pour manipuler le télescope et régler ces soucis dans les grands télescopes, cette partie du travail est assurée par l’observateur lui-même au télescope suisse, c’est donc à l’observateur de gérer cela également. On rend compte alors des problèmes par un problem report que le technicien découvrira à son arrivée.

La nuit du 23 août nous a secoués !

20h, tout roule, plus qu’à aller se restaurer et la nuit sera lancée. Tout à coup ça tremble et ça secoue … purée: un tremblement de terre ! Nous sortons de la salle de contrôle, moins d’une minute et déjà c’est terminé. La soirée continue: superbe repas (comme dab) et on remonte. Nous constatons dès notre entrée dans la salle de contrôle qu’il y a une odeur de brûlé, du genre plastique brulé. Après avoir cherché partout en imaginant le pire, il s'avère que ce ne sont que quelques débris tombés sur l’ampoule halogène d’une lampe durant la secousse … une petite secousse sismique de 5,6 sur l’échelle de Richter quand même, mais bon, les chiliens ne s’inquiètent qu’à partir de 8 …

Buenas noche

Après avoir passé 14 heures ainsi, en effet pour l'observateur chaque minute compte et il doit rendre des comptes: écrire des papiers et expliquer les minutes perdues, on mange ce qui sera notre souper, il est 8h du mat'. Malgré une grasse matinée et éventuellement encore une sieste avant le début de la nuit, je dois bien avouer que passer la nuit devant les écrans avec de la concentration et une présence de chaque instant pour être attentif et efficace s’est révélé être extrêmement difficile. Ouf, on va faire un gros dodo jusqu’à tard dans l’après-midi en rêvant d’extraterrestres, de condors, de la p'tite Suisse et des siens ...

Je vous expliquerai bientôt le travail que l'on fait la journée avec Vincent, le technicien de la station ...